Anticiper et gérer la pénibilité au travail

Publié le 25-03-2015. Thèmes : Pénibilité pyramide des âges


en bref

La loi du 20 janvier 2014 portant sur la réforme du régime des retraites a introduit la prise en compte de la pénibilité au travail. Concrètement, les entreprises sont amenées à créer des comptes personnels de prévention de la pénibilité sur la base de dix facteurs de risques professionnels définis dans un des décrets d’application du 10 octobre 2014. Chaque salarié cumulera des points en fonction des risques auquel il est exposé, points qui pourront être valorisés de diverses manières (financement d’une formation en fin de carrière, maintien de rémunération en cas de passage à temps partiel, trimestres de retraite…). Au delà d’une contrainte légale, qu’est-ce que qu’implique cette loi et comment appréhender cette problématique ?


Périmètre et enjeux

La problématique de la pénibilité au travail se décline en trois volets :

  • un volet réglementaire : comment s’assurer que l’entreprise respecte le nouveau cadre légal
  • un volet technique : comment gérer très concrètement la problématique, par quel bout la prendre, couvrir tous ses aspects…
  • un volet social : comment s’assurer que tous les acteurs de l’entreprise soient mobilisés, condition sine qua non de la réussite de toute démarche

Les entreprises sont rompues à s’adapter en permanence à des nouvelles lois et ce n’est ainsi pas tellement sur le volet réglementaire que se situent leurs plus grosses difficultés, même si cette loi est perçue par certain comme une véritable usine à gaz. 

Quoi qu’il en soit, travailler sur une démarche de réduction de la pénibilité répond avant tout à un impératif opérationnel, et pas seulement à un impératif réglementaire : ce dernier fixe un cadre et détermine la forme de certains outils de la démarche, mais il n’en garantit en rien la pertinence. Autrement dit, le respect du cadre réglementaire est nécessaire mais pas suffisant. Ce sont bien les enjeux de l’entreprise sur la question de la pénibilité qui seront structurants pour déterminer la démarche à suivre et les axes de travail, selon qu’ils se situent sur des problématiques d’absentéisme, de reclassement de salariés, de maintien des compétences, de vieillissement d’une population…


Clés de réussite

  • Alors par quel bout prendre cette problématique complexe ? Voici quelques points qui nous semblent structurants dans vos démarches :
  • Plutôt que de se laisser enfermer dans une démarche trop unitaire et technique, il est préférable d’aborder la démarche dans une réflexion multifactorielle, telle que l’abordent d’ailleurs les textes de loi qui l’encadrent (rythme, répétition, vibration…). Il n’existe souvent pas une seule origine et donc pas une seule solution à un problème et mieux vaut miser sur la convergence de plusieurs mesures préventives.
  • On a souvent tendance à ne prendre en compte que les facteurs physiques comme sources de pénibilité. Or, les souffrances psychiques peuvent aussi donner lieu à l’émergence et à l’expression de souffrances physiques. C’est pourquoi il peut être pertinent de croiser cette démarche avec les travaux sur les risques psychosociaux, en prenant en considération la notion globale de santé telle qu’elle est définie par l’OMS, c’est à dire pas uniquement l’absence de maladie, mais la recherche d’un bien-être physique, psychologique et social.
  • Il peut être pertinent de faire converger les travaux sur la prévention de la pénibilité avec ceux sur l’évaluation des risques professionnels. Si la loi impose en effet de formaliser ces travaux dans des cadres différents, les deux démarches imposent de fait de passer par des étapes de travail semblables ou proches et faire converger les deux est une question d’efficacité et de cohérence. D’ailleurs, les entreprises ont déjà leur Document Unique qui peut servir de point de départ pour la démarche.
  • La clé de voute de cette démarche réside sans aucun doute dans la capacité de l’organisation à y impliquer tous ses acteurs. Les leviers sont là aussi multiples :
  1. comme dans toute démarche de ce type, le “portage politique“ et la communication interne portés par la direction sont décisifs
  2. tous les managers sont les relais de la politique de prévention portée par la direction et ils agissent à plusieurs titres : ils participent à l’identification et à la régulation des situations à risque, ils servent d’interface pour la mise en œuvre de mesures correctives/préventives, ils veillent à faire de la pénibilité une question qui peut être débattue dans leurs équipes…
  3. notamment porté par les managers de proximité, le dialogue social permet de faire entrer la question de la pénibilité dans le quotidien des collaborateurs pour responsabiliser chacun sur cette question. Ainsi entré dans les échanges collectifs, il entre de fait dans les préoccupations individuelles et devient un élément constituant de l’identité professionnelle (bases de la dynamique de groupe)
  4. certaines entreprises nomment des référents sécurité qui, en plus d’aider à la mise en œuvre et à l’actualisation des plans d’action, contribuent à donner de la visibilité à la démarche entreprise.
  • Si la loi parle de pénibilité au travail, on peut donner à la démarche dans l’entreprise une dynamique plus constructive et parler de d’améliorer la qualité de vie au travail. Il ne s’agit pas ici que d’une question de sémantique, mais aussi d’accompagner la démarche d’un état d’esprit qui vise à optimiser et investir plutôt qu’à gérer et éviter des problèmes. Certaines entreprises combinent d’ailleurs leurs travaux en la matière avec les 5S : pour elles, prévention de la pénibilité et optimisation de l’environnement de travail vont de paire.
  • Travailler sur la réduction de la pénibilité au travail mobilise des compétences complexes et variées que l’entreprise ne détient pas forcément. Il peut être utile de solliciter de l’aide extérieure sur certains points particulièrement techniques. Par exemple, le médecin du travail est sans aucun doute un acteur privilégié. Certaines entreprises font également appels à des ergonomes pour évaluer et adapter leurs environnements de travail. Pour financer un recours à des compétences externes, le FACT (Fonds d’Aide à l’Amélioration des Conditions de Travail) peut financer jusqu’à quinze journées d’intervention visant à améliorer la prévention des risques professionnels dans une approche globale (technique, organisationnelle et humaine).

Points de vigilance

  • Une des principales difficultés réside dans la complexité de la problématique qui couvre des aspects nombreux et variés. Comme souvent dans ce genre de situation, on aura tendance à se focaliser sur des détails qu’on aura plus de facilité à appréhender mais qui ne permettront pas de mettre en place des solutions à des problèmes qui trouvent la plupart du temps leurs origines dans des facteurs multiples.
  • Dans le même sens, les démarches s’inscrivent la plupart du temps dans la cohabitation de deux temporalités pas toujours faciles à concilier : l’anticipation des problèmes de demain tout en gérant aujourd’hui les effets du passé.
  • Le côté très technique de ce travail peut nous amener en quelque sorte à “désincarner“ la démarche en dissociant complètement les postes de travail des personnes qui les occupent. Or, les deux sont étroitement liés puisqu’un même poste de travail peut avoir des impacts très différents selon les prédispositions ou fragilités de la personne qui l’occupe.
  • À trop se focaliser sur la question de la pénibilité, elle peut finir par prendre une place qui n’est pas la sienne. C’est bien le business qui détermine d’abord la manière de travailler dans l’entreprise. La question de la pénibilité vient ensuite dans la liste des nombreuses contraintes que l’entreprise doit prendre en compte pour ajuster et adapter son organisation du travail.

Outils et liens

Sites web généralistes :

  • www.preventionpenibilite.fr : site proposé par la CNAV et la MSA assez complet, avec des accès dédiés par type d’utilisateur (salarié, employeur, partenaire)
  • www.travailler-mieux.gouv.fr : site web de l’État couvrant plus largement les questions de la santé et de la sécurité au travail

 

Outils :


outils

Outil d'évaluation de la pénibilité + fiche Modèle de fiche pénibilité Questionnaire de type nordique (PDF)

participants

Jocelyne MANGIN
Tarifold

Violaine DAUGER-NEUTZNER
Heineken

Julia STOLL
CARSAT Alsace-Moselle

Dominique HEN
ACTAL

Maryline GEIGER
AST 67

Aurélie CHRISTLER
AST 67


galerie photo


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